Laboratoire pour un autre monde
article publié sur Alterlatine.com
L’exposition ‘Cosmopolis #2 : repenser l’humain’ est présentée à la Galerie 3 du Centre Pompidou du 23 octobre au 23 décembre 2019.
Commissariat : Kathryn Weir, avec les commissaires associés Ilaria Conti, Charlène Dinhut, Zhang Hanlu
Cinquante micros en terre cuite, une stèle en tissu rouge, une installation architecturale rétrofuturiste, entre plantes tropicales et parapluies pour enfants : bienvenue à Cosmopolis #2, exposition de 40 artistes du monde entier, de la Tasmanie au Salvador, invités à exposer dans la galerie 3 du Centre Pompidou jusqu’au 23 décembre. Cosmopolis, précise le texte de salle, est une invitation à repenser l’humain, à interroger nos paradigmes, à écrire de nouvelles histoires, à observer à travers d’autres prismes. Plus qu’une exposition, c’est un espace de réflexion destiné à questionner le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Quand Kathryn Weir est recrutée en 2015 par le Centre Pompidou, après son expérience de commissaire à la Asia-Pacific Triennial à Brisbane (Australie)[1], c’est pour un projet très spécifique : Cosmopolis. Bien que sa traduction la plus visible soit une exposition, Cosmopolis la dépasse, aussi bien en temps qu’en espace. Toile d’araignée tissée entre divers points du globe, Cosmopolis encourage des collaborations durables, des réflexions profondes et des interconnexions au-delà des frontières. Kathryn, aux côtés d’autres commissaires,voyage dans le monde pour dénicher des talents, et commence par faire un aller-retour de Paris à Chengdu (Chine) pour présenter au cours ses trois éditions (la 2ème était la 1.5) un véritable florilège d’artistes (au total plus de 100) issus des territoires les moins explorés de l’art contemporain. Tous ont un point commun : ils exposent une nouvelle lumière sur ce qui les entoure, des questions les plus insondables aux affirmations les plus déterminées et audacieuses.
Pour cette édition, on remarque la présence d’artistes latino-américains jusqu’ici méconnus sur la scène artistique française : Julieta Aranda (Mexique), Adrián Balseca (Équateur), Adriana Bustos (Argentine), Carolina Caycedo (Colombie), Benvenuto Chavajay Ixtetelá (Guatemala) Sandra Monterroso (Guatemala), Claudia Peña Salinas (Mexique) et Simón Vega (El Salvador).
Chacun présente une vision qui, tendant vers la globalité, est cependant enracinée dans l’identité latino-américaine. Chacune des œuvres pourrait se traduire par une ouverture, un point d’interrogation. Toutes trouvent des échos sous d’autres latitudes, mais, de par leurs racines, ont l’immense valeur de venir d’un terreau d’hybridité culturelle, d’un laboratoire d’expériences sociales et politiques, d’un lieu où l’ultra-modernité coexiste quotidiennement avec la tradition, où la richesse extrême côtoie, indifférente, la misère infrahumaine.
Pour connaître un peu mieux cette exposition, nous avons rencontré Kathryn Weir, qui nous a donné quelques clés des coulisses de ce projet :
- Comment Cosmopolis a-t-il été conçu ?
Créée au Centre Pompidou en 2015, Cosmopolis met l’accent sur des pratiques artistiques contemporaines basées sur la recherche et enracinées dans un contexte spécifique. Pratiques, souvent collaboratives et interdisciplinaires, qui prennent en compte la question de la traduction culturelle. La plateforme veut poser des bases pour une réflexion alternative sur les pratiques actuelles à l’international, au-delà du modernisme en Europe et aux Etats-Unis. Elle navigue entre pensée critique et expérimentation artistique concrète.
- Pourquoi ce nom, et d’où vient le projet ?
La majorité des artistes avec lesquels nous travaillons, développe une pratique centrée sur les idées et les sociétés actuelles, la production de relations et l’échange de connaissances. Ils participent à la résurgence d’intérêt pour les théories de la cosmopolitique et dans des formulations du localisme cosmopolite, comme le dit Walter Mignolo, théoricien de la décolonialité qui a pris Cosmopolis comme cas d’étude dans ses cours à Duke University l’année dernière.
• Comment avez-vous choisi les artistes participant à Cosmopolis #2 ?
Nous travaillions déjà avec certains artistes sur l’une des précédentes éditions de Cosmopolis ou sur d’autre projets au paravent. La participation de certains autres a été décidée à la suite de voyages de recherche et de discussions curatoriales.
- Les deux éditions précédentes incluaient-elles des artistes latino-américains de la même manière ?
En parlant d’Amérique du sud et d’Amérique centrale, pour la préparation de Cosmopolis #1, j’ai pu avoir des périodes de recherche en Argentine, au Brésil, au Chili, en Colombie et au Mexique. Intitulée ‘Collective intelligence’, cette première édition était centrée autour des modalités de collaboration spécifiques à notre époque et la création collective de dispositifs de partage de savoirs. Le projet comprenait des œuvres et des programmes de 15 collectifs et groupes collaboratifs, ainsi que neuf semaines de programmation au sein de l’exposition. Nous avons présenté un focus sur la richesse de la scène collaborative en Colombie, avec Arquitectura expandida (voir http://arquitecturaexpandida.org/communaute-provocaciones-tacticas-en-clichy-sous-bois-paris/), laagencia et Por Estos Dias. Des membres de tous ces collectifs étaient présent pour des périodes importantes à Paris est ont proposé des ateliers et des discussions. Le duo argentin Iconoclasistas a également présenté une nouvelle cartographie murale et l’affiche de la cartographie que le public pouvait prendre (voir https://www.youtube.com/watch?v=JmYxX04MLt8). A Chengdu dans Cosmopolis #1.5 nous avons invité Manuel Chavajay (Guatemala), Ximena Garrido-Lecca (Pérou), Oscar Farfán (Guatemala / Mexique) et de nouveau Arquitectura Expandida (Colombie). Pour Cosmopolis #2 à Paris, ce sont les artistes que vous avez déjà mentionnés.
• Dans cette édition vous avez choisi de donner une place importante aux artistes d’Amérique centrale. Pouvez-vous nous dire comment votre intérêt pour cette scène est né ?
Les artistes et curateurs mexicains ont une visibilité à l’international, ainsi qu’un accès à des discussions critiques et à certains soutiens. Leurs voisins en Amérique centrale ont relativement peu de visibilité mais ce sont des scènes très actives où les artistes créent les structures qu’ils ont envie de voir vivre. Ilaria Conti et moi, nous avons fait un voyage de recherche au Guatemala en 2018, où nous avons rencontré beaucoup d’artistes intéressants et apprécié la subtilité du discours autour de l’identité et l’histoire qui a été entamé par les artistes mayas. Cette année je suis allée à El Salvador. Pour ‘Cosmopolis #2’ qui présente des œuvres explorant d’autres cosmologies, systèmes économiques et articulations géographiques, nous avons eu des échanges très pertinents avec des artistes travaillant dans ces contextes.
[1][1] de la Queenlsand Art Gallery / Gallery of Modern Art à Brisbane